Géolocaliser et dater une image

Juste après le début du confinement, dans un temps où les tâches quotidiennes avaient été brusquement suspendues pour la plupart de mes collègues et jusqu’à ce que d’autres tâches exécutables à distance puissent leur être attribuées, j’ai été chargé de trouver de concevoir un plan de tâches transitoires avec un fort volet formation continue. A mes collègues formateurs, j’ai proposé d’affûter leurs techniques de recherche sur le web en leur lançant un défi bi-hebdomadaire (du moins dans les premières semaines).

Ce défi consistait à retrouver -en général à partir des éléments contenus dans l’image- le lieu et parfois la date de la prise de vue. Dans la majeure partie des cas, ces photos n’étaient pas originales mais prises sur le compte twitter de Quiztime.

Concrètement, je m’essayais moi-même à la résolution de ces défis lancés sur twitter par une petite dizaine de journalistes et spécialistes en OSINT, et si j’y parvenais seul ou avec le concours d’autres internautes, je proposais les mêmes défis à mes collègues qui ne connaissaient pas encore le compte, le but étant bien entendu non de plagier ce compte mais de les introduire au sujet et de leur présenter cette ressource tout à fait intéressante (et les blogs de ceux qui l’alimentent). Ma BU disposant d’un site exclusivement consacré à la formation de ses utilisateurs, j’y ai reproduit les images de ces énigmes en y ajoutant la solution et la méthode que j’avais pour ma part employée.

Pour un public d’étudiant, cette activité me semble tout à fait intéressante pour les raisons suivantes :

  • Elle favorise la lecture attentive de l’image dans un contexte où la technique de désinformation la plus massivement utilisée consiste à poster une photo avec une légende qui ne lui correspond pas.
  • Elle favorise le raisonnement hypothético-déductif : il n’y a pas d’outil miraculeux, juste des bases (images, météo historique, archives du web, plans de vol ou routes maritimes, etc.) accessibles à tous mais qu’il faut avoir la bonne idée d’interroger pour confirmer une hypothèse.
  • Elle favorise la synthèse. Bien que nous manquions d’outil libre qui permette de le faire facilement, il est possible d’organiser l’ensemble des éléments en graphe pour ensuite les présenter dans une forme qui soit convaincante.
  • Elle leur donne quelques compétences utiles dans leurs usages de l’image numérique. La plus importante est la recherche inverse d’images. Mais dans de nombreux cas elle ne suffit pas où alors elle ne se fait pas avec l’outil approprié (dans bien des cas, Yandex s’avère plus utile que Google ou Bing pour cet exercice). Par ailleurs, les étudiants apprendront ainsi à supprimer ou modifier les métadonnées d’une image ou bien à inclure dans leur prise de vue des éléments qui permettront à des journalistes de les identifier si leur publication s’accompagne d’une suppression automatique des métadonnées (prenons le cas par exemple d’une vidéo prise dans une manifestation et envoyée sur les réseaux sociaux).

Il ne s’agit évidemment pas de transformer nos étudiants en fact-checkers mais seulement de leur donner quelques méthodes de vérification utiles dans le quotidien. Le fait de disposer de ces outils et de ces connaissances donne la confiance nécessaire pour retrouver un lien avec le réel à l’heure de la « post-vérité ».

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